samedi 5 mai 2012

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dernier jour du blog.
je cite deux personnes: Vladimir Nabokov et Harry Gruyaert.
je glisse un poème non signé, trouvé dans une expo photo de la galerie Le lieu à Lorient, intitulé:

"Le rien

Je ne suis rien
je ne puis rien
je ne vaux rien
je ne mérite rien
l'on ne me doit rien
au rien il ne faut rien
le rien ne doit valoir aucune chose
le rien ne peut rien
le rien ne veut rien
le rien n'est bon à rien
le rien n'est digne de rien
le rien doit demeurer à rien
le rien ne se plaint de rien
le rien ne s'offense de rien
le rien ne s'étonne de rien
le rien ne se trouble de rien
le rien n'est propre à rien
le rien n'ambitionne rien
le rein ne méprise rien
le rien ne demande rien
le rien ne considère rien
le rien ne se contente de rien
le rien ne prétend à rien
le rien ne s'approprie rien
le rien ne prend goût à rien
le rien ne désapprouve rien
le rien n'est blessé de rien
le rien n'envie rien
le rien ne s'incommode de rien
le rien ne prend part à rien
le rien ne soutient rien
le rien ne tient à rien
le rien ne scandalise rien
le rien ne s'empresse de rien
le rien ne juge ni ne condamne rien
le rien ne se prive de rien
le rien ne craint rien
le rien ne désire rien
le rien n'appréhende rien
le rien ne se chagrine de rien.
rien partout
rien en tout."




vendredi 4 mai 2012

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Une scène de théâtre délocalisé en plein air. La tente grise en guise de chapiteau. Les portes closes sauf celle des artistes pour apporter les costumes vieux, décolorés pendus aux cintres, déplacés sur un portant qui ne rentre pas facilement par l’accès étroit. Un coup d’œil profitant de la maladresse pour apercevoir des gradins aux fauteuils luxueux, rouge sang. Puis, rien. Imaginer l’intérieur plein de bruissements, chuchotements rompus par les trois coups à terre. L’enfance, l’école, la pesanteur de spectacles longs qu’on s’efforce de suivre, l’artifice toujours là qui empêche d’entrer dedans. Une dimension en moins ou en trop. Le rejet pour de nombreuses années, le malaise évité.

jeudi 3 mai 2012

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C’est une vidéo d’une révolution passée qui a mis fin à une dictature. Les événements ont tous été consignés sur des bribes de quelques secondes à quelques minutes dans des plans serrés ou larges, à l’épaule ou fixes. On y voit l’espoir en marche, le chaos, la victoire et l’essai d’organisation d’un nouveau pouvoir, le procès et la mort du dictateur.
Le film dure presque deux heures de tumulte, de moments en creux, de folie douce, de violence difficilement contenue, de recherche de construction dans des échanges continuels, de mélange d’anciens devenus dissidents et de nouveaux qui n’ont rien à voir avec la politique mais la nourrissent parce qu’ils ont détourné la censure.
Et puis la fin, cet homme en pleur qui accuse ceux qui ont voulu séparer les hommes, qui ont suscité la jalousie sur des misères, qui pleure la haine, le soupçon, qui comprend à l’instant l’impasse où tous se sont fourvoyés.
Sa vie à l’œuvre qui déborde.

à propos de Vidéogramme d'une révolution. 1992. H. Farocki et A. Ujica .

mardi 1 mai 2012

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Un couple de pigeons erre comme âme en peine depuis quelques jours de part et d’autre de l’immeuble. Ils s’accrochent au rebord de la fenêtre sur cour, la seule sans épines de fer. Ils me regardent les observer de l’intérieur, tranquilles car inabordables.
Cet après-midi, ils sont dans l’arbre de la rue et je me souviens du nid qui les attendait chaque printemps et qui a été détruit cet hiver. Ils sont désorientés, et malgré tout semblent attendre qu’il réapparaisse dans les feuillages à l’instant.

lundi 30 avril 2012

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La pensée retombe.
Le chagrin déborde.
La litanie rattrape.
Le luxe navigue.
Le bien-fondé ajuste.
La prunelle brune.
Le piano absent.
L’ennui en surface.
Le grenier vide.
Le départ pas fixé.
Le suspens.

dimanche 29 avril 2012

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Il pleut sur le lit. Il dort encore. La bâtisse s’allonge jusqu’au bord de la falaise. Le jardin est tombé dans les flots. Il n’a pas peur. Il n’a pas froid, il s’est enroulé dans une bâche. Il ouvre les yeux, cherche la fuite. Il entend un cargo annoncé son départ. Il est posté tout en haut dans la cabine immense. Il voit le ciel noir au loin. Il n’a pas le choix, l’escale a déjà été trop longue. Il verra selon.

samedi 28 avril 2012

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La gène dans les visages quand ils sont au plus près juste avant le premier baiser, celui qu’on ne sait pas encore comment amorcer sans tomber à côté, sans un quiproquos humiliant, sans défaillir. On regarde le temps qui nous sépare avant le basculement, des secondes de profonde tendresse, d’humilité, d’attention extrême. L’autre avant qu’il ne soit englouti.